En marge de la fashion week de Paris, qui prendra fin le 3 octobre prochain, s’est tenu le 20 septembre l’African Fashion Gate : un défilé promouvant la diversité sur les podiums.
Rendez-vous dans une annexe du Musée des Arts Décoratifs à Paris, haut lieu de la mode et du design qui héberge en ce moment l’exposition Dior – pour le défilé African Fashion Gate : « La mode habille la paix ». A l’extérieur, les beautiful people de la diaspora attendent en rang d’oignon, flanqués de leurs plus beaux looks et de leurs smartphones pour alimenter stories et feed Instagram. En backstage, la tension bat son plein. Mannequins et créateurs sont sur le qui-vive, ajustant les dernières silhouettes avant la grand-messe.
C’est sous l’égide de l’Italien Nicola Paparusso, activiste, fondateur et secrétaire général de l’AFG, que cet événement éthique qui entend mettre fin à la discrimination des mannequins noirs sur les podiums, a pu voir le jour à Dakar ,en 2015, avec le soutien du Ministère des affaires culturelles du Sénégal.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Lors de la fashion week printemps-été 2017, seul 10% des modèles noirs ont été castés aux défilés prêt-à-porter. Une réalité d’autant plus criante chez les mannequins asiatiques. Pour enrayer ces inégalités, promouvoir la diversité du côté des mannequins mais aussi des créateurs, Nicola Paparusso a installé ce rendez-vous d’une mode dite « juste » un peu partout dans le monde. Après l’édition sénégalaise, l’AFG s’est exporté à Milan, Naples, Tunis et même au Danemark. Et depuis 2016, à Paris. Into The Chic a rencontré l’initiateur de ce nouveau temps fort de la mode pour tous à quelques heures du coup d’envoi des festivités. Entretien.
Quelles sont les principales missions de votre association African Fashion Gate ?
Notre association fonctionne comme un laboratoire éthique. Nous recrutons directement les mannequins en Afrique. Nous allons jusque dans les villages. Outre le défilé, nous leur offrons un accompagnement, une formation au mannequinat sous la houlette d’un ancien mannequin réputé qui a travaillé avec Naomi Campbell ou encore Cindy Crawford. Pour le défilé de ce soir, nous représentons des mannequins venus du Sénégal, d’Éthiopie, du Cameroun, du Togo. Mais aussi les models asiatiques. Nous travaillons avec la créatrice du magazine Black Vogue Italie, la version 100% mannequins noirs du Vogue Italie pour continuer à promouvoir nos mannequins.
Outre les models, nous nous attelons à représenter les stylistes africains. Nous sommes une association italienne et promouvons le savoir-faire italien. Pour autant, nous mettons également en valeur des créateurs africains. Aujourd’hui, parmi les six designers, nous accueillons le Dakarois Saliou Dia.
Depuis la fashion week printemps-été 2017 où seul 10% des mannequins étaient noirs, à Paris, New York, Londres et Milan, avez-vous constaté une évolution ?
Le changement vers la diversité est tout petit. Il est loin d’être significatif. Ce qu’il faut savoir c’est que la mode va s’intéresser avant tout aux acheteurs. L’Occident et l’Asie comptent parmi les plus gros clients, raison pour laquelle nous verrons des mannequins blancs, et/ou asiatiques au casting de tels ou tels défilés. Non seulement, ce n’est pas éthique, mais c’est aussi négliger le fait que la clientèle africaine est de plus en plus importante. L’Afrique est le futur de la mode. Les textiles, le savoir-faire…
Je suis fier de porter cette lutte pour l’égalité. Je suis directeur général de l’African Fashion Gate, pour la promotion des mannequins noirs, et je suis Blanc, Italien. Mes collaborateurs sont Africain et Arabe : Abdul Aziz Mbaye, le président de l’AFG au Sénégal, et Alex Kfoury Rabih qui est Libanais. Je suis fier, qu’ensemble, on fasse la guerre aux discriminations raciales.
Quel est votre rapport à l’Afrique ?
J’ai longtemps vécu à Dakar. Et je voyage beaucoup en Côte d’Ivoire, au Tchad, au Gabon… Et aujourd’hui, nous ouvrons les portes au Maghreb aussi, avec la Tunisie, où nous espérons organiser un grand défilé bientôt au Musée National du Bardo, à Tunis. Je suis en échange avec Dolce & Gabbana pour qu’il fasse l’ouverture du défilé.
Êtes-vous en faveur de l’installation de quotas sur les podiums pour obliger les designers à plus de diversité sur les podiums ?
Nous faisons beaucoup de pression pour réécrire les lois déjà existantes auprès du Parlement européen. La discrimination est, hélas, quelque chose que la loi européenne ne prend pas en compte. Il n’y a aucune agence qui contrôle le racisme. A la fashion week de Paris, Londres, Milan… Personne ne contrôle s’il y a des discriminations raciales. Ce n’est qu’a posteriori que nous allons découvrir dans la presse que des mannequins noirs en ont été victimes. Je ne parle pas de faire appel à la police, mais à des observateurs de la paix.
La mode est un milieu très fermé aux personnes qui parlent de droits ! La mode ne parle que de formes, de couleurs, de coupes et de lignes. C’est tout ce qui l’intéresse. Nous, nous voulons une mode qui habille la paix. Ce soir nous verrons un podium juste et égalitaire, avec des mannequins africains, asiatiques, des designers italiens qui regardent les autres continents, des stylistes de Dubaï, du Sénégal…